Imprévision : si l’acheteur public indemnise une fois, cela vaut-il reconnaissance de la situation d’imprévision l’obligeant éventuellement à indemniser à nouveau ?

Imprévision : si l’acheteur public indemnise une fois, cela vaut-il reconnaissance de la situation d’imprévision l’obligeant éventuellement à indemniser à nouveau ?

Imprévision : si l’acheteur public indemnise une fois, cela vaut-il reconnaissance de la situation d’imprévision l’obligeant éventuellement à indemniser à nouveau ? 150 150 Haize Fresko Avocats

Contrats publics – TA Guyane, 9 nov. 2023, n° 2200739

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⭐Une collectivité avait confié à une société un marché forfaitaire de construction et de livraison d’un navire en juin 2020 d’un montant de 4.6 Meur. S’estimant impactée par la hausse des prix (hausse du cours du fret maritime), la société a sollicité d’être indemnisée au titre de l’imprévision à hauteur de près de 800.000 euros. Après négociations, la collectivité et la société ont conclu un protocole d’accord reconnaissant l’existence d’une situation d’imprévision mais n’indemnisant qu’à hauteur de 100.000 euros. 

La société, qui estimait que ce montant n’était pas suffisant, a introduit un recours auprès du juge administratif arguant de ce que l’indemnité d’imprévision complémentaire est due, dès lors que la hausse des prix était imprévisible, extérieure et a bouleversé économiquement le contrat et que la collectivité a reconnu la situation d’imprévision puisqu’elle a déjà indemnisé sur ce fondement.

La collectivité considérait quant à elle qu’il n’y avait pas de bouleversement démontré de l’économie du contrat, et qu’en tout état de cause le protocole d’accord signé empêchait la société de former une action. 

👨‍🎓 Qu’en pense le juge ? 

👉 Concernant la recevabilité du recours, en présence d’un protocole antérieur : après avoir constaté que le protocole a pour objet d’indemniser le titulaire en raison du « surcoût du prix du transport« , il relève que le protocole « ne comporte aucune mention de nature à prévenir toute action contentieuse ultérieure« . En conséquence, le protocole ne peut empêcher la société de former un recours pour obtenir des compléments d’indemnité d’imprévision ; 

👉 Concernant le bouleversement de l’économie du contrat : le juge émet d’abord des doutes sur le caractère imprévisible, considère ensuite qu’une augmentation de 8,29 % des coûts ne constitue pas un bouleversement, et souligne l’absence d’éléments comptables probants de la société ; 

👉 Enfin, concernant une reconnaissance d’une situation d’imprévision par le protocole obligeant l’acheteur à indemniser à nouveau, le juge l’écarte : « la société CNOI, qui ne peut utilement soutenir que la CTG aurait admis l’application de la théorie de l’imprévision en lui allouant une indemnité de 109.500 euros, n’est pas fondée à demander une indemnité à ce titre« . 

🚩 Qu’en retenir ? 

🔆 D’abord que le protocole d’accord entre la collectivité et la société a manifestement été très mal rédigé. Pour être protecteur, il aurait dû mentionner que suivant indemnisation, la société renonçait à introduire un recours relatif à une demande d’imprévision portant sur la même période / le marché. A défaut de l’avoir inscrit, la société était tout à fait en droit d’introduire une action ; 

🔆Certes, la circonstance qu’un protocole existe reconnaissant la situation d’imprévision pour un montant moindre aurait pu être un argument pertinent de nature à faire pencher la balance vers les demandes de la sociétés ; toutefois, l’imprévision étant d’interprétation stricte, cet argument ne dispense pas la société de démontrer de manière exhaustive que les conditions d’imprévision sont réunies.