PRATIQUE PRO – Reconstruction post émeutes : comment marche la procédure sans publicité mais avec mise en concurrence ?

PRATIQUE PRO – Reconstruction post émeutes : comment marche la procédure sans publicité mais avec mise en concurrence ?

PRATIQUE PRO – Reconstruction post émeutes : comment marche la procédure sans publicité mais avec mise en concurrence ? 150 150 Haize Fresko Avocats

Contrats publics – Ordonnance n° 2023-660 du 26 juillet 2023 

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🔎C’est quoi cette nouvelle procédure ? 

👉Face aux émeutes intervenues en début d’été 2023 et aux dégradations consécutives importantes sur des biens publics, l’ordonnance n° 2023-660 est venue créer un régime dérogatoire et temporaire afin d’assister, tant que faire ce peu, les acheteurs dans leurs démarches de reconstruction.

👉Le premier levier mis en place consiste dans la possibilité inédite de conclure SANS publicité mais AVEC mise en concurrence des marchés d’un montant inférieur à 1,5 millions d’euros HT – ou des lots d’un million d’euros HT – dès lors que les marchés sont « nécessaires à la reconstruction ou à la réfection des équipements publics et des bâtiments affectés par des dégradations » (art. 1er de l’ordonnance).

💡Quel intérêt ? 

👉Nous y voyons un intérêt majeur : la création d’un nouvel outil pour les acheteurs dont les contours sont clairs, et qui est avec certitude et facilement mobilisable. Nul besoin, ici, de réaliser en amont des études de montage ou de procédure : il suffit à l’acheteur de référer à l’ordonnance, de constater que les travaux envisagés sont bien nécessaires du fait des dégradations consécutives aux émeutes et sous le seuil de 1,5 millions d’euros HT.

🎲D’autres véhicules juridiques que la procédure sans publicité mais avec mise en concurrence peuvent-ils être mobilisés ? 

👉Les acheteurs confrontés à la nécessité de conclure des marchés suite aux dégradations suivant les émeutes peuvent mobiliser la procédure sans publicité ni mise en concurrence en cas d’urgence impérieuse (art. 2122-1 CCP) et quel que soit le montant du marché. 

Toutefois, la procédure sans publicité ni mise en concurrence en raison d’une urgence impérieuse suppose que l’acheteur étudie en amont son applicabilité au regard des critères posés par le code de la commande publique : il faut démontrer qu’il y a urgence impérieuse, résultant de circonstances extérieures et imprévisibles, rendant impossible le respect de délais minimaux exigés par les procédures formalisées, et que l’achat se limite à la seule satisfaction du besoin urgent ; de quoi faire transpirer avec profusion les acheteurs, à fortiori en période estivale.

D’autant que la possibilité d’avoir recours à cette procédure ne nous semble pas automatique au cas d’espèce, en particulier concernant la condition d’urgence qui est appréciée strictement par le juge (et donne lieu à de nombreuses déconfitures). Certes, l’ordonnance, prise très rapidement, pourrait être de nature à conforter l’existence d’une urgence, d’autant que le rapport au Président relatif à l’ordonnance se réfère bien à l’urgence pour justifier des mesures proposées puisqu’il est mentionné que « Le Gouvernement entend, dans le contexte de mobilisation collective de la Nation pour conduire, dans l’urgence, un chantier national de reconstruction, proposer différentes mesures temporaires ». Il nous semble cependant que l’urgence doit être appréciée au cas par cas, et qu’en fonction des bâtiments / services affectés par la dégradation, et des solutions de remplacement existantes, l’urgence conditionnant le recours à la procédure sans publicité ni mise en concurrence de l’article R.2122-1 du CCP pourrait ne pas être caractérisée (par exemple, en cas de dégradation d’un bâtiment d’archives, accessible qu’aux agents d’une collectivité, qui en réalité ne font qu’y déposer quelques fois par ans des cartons. De même, si les dégradations sur un bâtiment accueillant du public n’empêchent pas la poursuite des missions de service public qui y sont menées). 

En tout état de cause, si le gouvernement avait estimé que la procédure sans publicité ni mise en concurrence en raison d’une urgence impérieuse était systématiquement possible pour les travaux à mener suite aux émeutes, l’ordonnance n° 2023-660 n’aurait pas été nécessaire ; il aurait suffi de publier une circulaire et/ou une fiche de la DAJ explicitant que les circonstances actuelles remplissaient les conditions de recours à cette procédure.